Come From Away au CNA : la chaleur humaine trouvée au bout du monde

Malgré sa distribution actuelle, qui ne compte que trois Canadiens sur scène, plus quatre autres doublures, en coulisses, calcule la comédienne Kristen Peace, <em>Come From Away </em>est une production bien canadienne, dont Broadway a eu «la bonne idée de s’emparer» en 2017, un an après sa création.

La comédie musicale Come From Away est de retour au Centre national des arts (CNA) pour participer à l’esprit des Fêtes en ravivant – du 27 décembre au 8 janvier – l’esprit de solidarité des Canadiens.


Cette solidarité, c’est celle qui a soudé les résidents du petit village de Gander, à Terre-Neuve, dans la foulée des attentats du 11 Septembre 2001, lorsque la petite communauté a dû accueillir 38 avions américains ‘échoués’ à l’aéroport voisin – et héberger au vol 7 000 passagers cloués au sol – après que les autorités américaines aient interdit qu’on survole l’espace aérien. 

Produit par Broadway, mais made in Canada (il a été créé à Oakville, en Ontario, en 2013), Come From Away parle de chocs culturels et d’altruisme, de solidarité dans l’adversité et de gratitude. Et des liens d’amitié qui se nouent par-delà les différences. 

Ses (nombreux) personnages ne sont pas fictifs. Si la plupart des rôles sont en réalité des collages, des personnalités recomposées à partir des centaines d’entrevues que les auteurs de ce musical, Irene Sankoff et David Hein, ont réalisées à Gander avant de tisser leur fil narratif, plusieurs des protagonistes sont tout ce qu’il y a de plus authentique.

C’est le cas du personnage de Bonnie, que campe depuis près de 20 ans l’Ontarienne Kristen Peace, originaire de Hamilton.

Comme tous ses collègues sur scène, elle endosse de multiples rôles et costumes, ce qui permet de donner une impression de foule plus conséquente. Les interprètes ont d’ailleurs tous au moins un rôle dans chaque ‘camp’, de façon à donner au début une impression de dualité... bientôt transcendée par les réconciliations qui ne manqueront pas de succéder aux tensions. 

Non, la gratitude et la bienveillance ne sont pas – attention, divulgâchage ! – l’apanage d’une société humaine en particulier. 

C’est l’histoire d’une belle «rencontre», car la bonté dont il est ici question dépasse le simple fait de «nourrir et loger des étrangers venus des quatre coins de la planète». 

La leçon qu’auront donnée au monde les résidents de Gander, c’est une leçon de «chaleur humaine». En montrant, de façon exemplaire et sans arrière-pensée, comment prendre véritablement soin les uns des autres, estime Kristen Peace.


Bonnie, la Noé de Gander


Bonnie a la particularité de ne pas s’intéresser qu’aux êtres humains. En tant que responsable du refuge pour animaux de Gander, elle est la première à se préoccuper du sort des petits compagnons à poils ou à plume qui, dans la précipitation et la cohue, sont restés coincés dans les avions.

De par son amour pour les animaux, elle est la première de la communauté à «s’inquiéter de leur bien-être, à songer aux soins dont ils auraient besoin, et à prendre sur ses épaules cette responsabilité», partage la comédienne. 

Mais «sa générosité et son abnégation s’étendent à tous», y compris aux bipèdes humains, rassure Kristen Peace, qui a eu «la chance» de rencontrer la véritable Bonnie (Harris, sur son baptistaire) en 2016, quelque jours avant la première torontoise de la production (avant même que le spectacle ne soit repris sur Broadway). 

Avant de tenir le rôle de Bonnie dans <em>Come From Away,</em> Kristen Peace a brillé dans maintes comédies musicales montées au Canada, dont <em>Legally Blonde,</em> <em>Ring of Fire</em> et <em>Anne of Green Gables</em>.

Bonnie «est une personne admirable, incroyablement drôle, bienveillante et généreuse [dotée d’] un grand sens de l’humour. Elle est très joueuse – surtout avec les chiens [...] et je me sens honorée de pouvoir dire qu’on est aujourd’hui amies.» 

«Je trouve qu’on se ressemble beaucoup. […] Quand je l’ai rencontrée, j’ai clairement compris pourquoi on m’avait confié ce rôle. On est semblables en semblable et on agit de façon similaire.» 

Son personnage, se réjouit la comédienne, rend justice à son alter ego. Dans cette production, «Bonnie est dans la lumière dans laquelle elle mérite d’être vue». Fort heureusement, car représenter une personne vivante, a fortiori qu’on aime et qu’on respecte, vient avec un sens particulier du devoir – et «une petite pression supplémentaire», ajoute Kristen Peace, pour qui «le sentiment de responsabilité est encore plus grand, à présent que nous sommes amies».

  

Un petit spectacle... au grand cœur


Le spectacle s’appuie sur cette femme – et sur l’ensemble des résidents de Gander – pour témoigner de ce que, «la gentillesse peut toujours finir par l’emporter, quelle que soit l’adversité ou l’horreur d’une situation». Et que l’on se sent moins vulnérable lorsqu’on est entouré. Même «dans un petit village, au milieu de nulle part».

Quiconque se dit Canadien devrait s’imposer d’aller voir <em>Come From Away</em> une fois dans sa vie, songe Kristen Peace.  Le spectacle devrait même être obligatoire (et gratuit) pour le public scolaire, songe cette ambassadrice (non officielle) du village terre-neuvien de Gander. —Matthew Murphy, courtoisie Broadway Across America

Le récit de Come From Away se soucie moins des grandes théories sur la nature humaine que sur l’aspect «ordinaire» («basic») de la bonté. Il préfère observer à la loupe «les petits gestes» qu’on pose au quotidien.

Il s’agit d’ailleurs d’un humble «petit spectacle avec le cœur le plus grand qu’on puisse imaginer», poursuit Kristen Peace, façon d’expliquer son souffle et sa longévité.

Come From Away dénote un peu des habituelles productions new-yorkaises, en ce sens qu’on y chante relativement moins. Certes, les chansons (baignées de mélodies folk rock celtique typiques des Maritimes, et bien souvent entonnées en gros chœurs) ponctuent le récit, mais la dimension théâtrale est plus prégnante, confie l’interprète.

<em>Come From Away </em>puise sa trame musicale dans les origines celtiques des provinces maritimes.

Tous connectés 

Difficile pour Kristen Peace, toutefois, de définir ce qu’elle apprécie le plus, de ce «show si bien écrit», et dont elle se dit «extrêmement fière» de faire partie. Observer du coin de l’œil la foule tomber en pâmoison, soir après soir, provoque en elle un sentiment d’euphorie. 

Comme les comédiens sont très souvent sur scène, même lorsque leurs personnages n’ont pas l’air de faire grand-chose d’autre que de vaquer à leurs occupations quotidiennes, «on a le privilège de pouvoir regarder le public dans les yeux, d’être en contact avec lui. On s’adresse aux gens directement. On les voit rire et pleurer», selon que les personnages lèvent un voile sur leur parcours de vie ou leur intimité. 

Plus qu’un spectacle, Come From Away devient alors, à chaque représentation, et ce «sans exception», «une véritable expérience, un grand moment où l’on est tous connectés ensemble». 

Le spectacle idéal pour la période de Noël, quoi.