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Ce concert collectif inaugure «la première série annuelle de spectacles professionnels» de la Maison de la Francophonie, a fait valoir le directeur général des lieux, Marcel Morin.

«Ce spectacle cadre parfaitement dans notre vision d’instaurer des activités, événements et rendez-vous uniques afin de célébrer notre communauté francophone plurielle dans l’ouest de la ville d’Ottawa», a expliqué M. Morin.

Cette «rencontre unique promet de «transporter le public dans des univers artistiques qui [peuvent] sembler complètement à l’opposé mais qui, au final, se rejoignent dans une parfaite allégorie de poésie, humanité et sensibilité», fait-il valoir, dans un communiqué envoyé mercredi 25 janvier.

Le plus connu des trois artistes (sa carrière l'a mené aux quatre coins du Canada, mais aussi en Europe, en Afrique du Nord, à Madagascar et au Cap-Vert), Yao, a lancé un 5^e album solo, Kintsugi, en juin 2022.

Entouré de ses musiciens, il propose un spectacle personnel et vibrant où font bon ménage grooves funk et soul et poésie déclamée d'une voix grave et profonde.

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Le voilà prêt à affronter la scène, son quatrième album solo sous le bras. Ce qu’il fera au Cabaret La Basoche, ce samedi 18 juin, et à l’École secondaire publique De La Salle d’Ottawa, le 21 juin. Puis à travers le Québec, dans les mois qui viennent.

Son nouveau «bébé» musical se prénomme Kintsugi, en référence à cet art traditionnel japonais qui, pour réparer une poterie ou une porcelaine brisée, a recours à une «laque saupoudrée d’or» pour obturer les fissures et recoller les morceaux.

Cicatrices

Dans cette optique, le précieux métal brillant ne cherche pas à cacher les cicatrices, mais au contraire à les mettre en valeur, de façon à souligner le vécu de l’objet – qui, ainsi «réparé», gagne en beauté, explique le chanteur franco-ontarien aux origines africaines (le Togo et la Côte d’Ivoire).

Et c’est justement ce qu’a fait Yao avec ce disque: rehausser ses blessures en se servant de la poésie, cet or des mots. Laisser chanter ses états d’âme (un pour chacune des onze chansons) et arborer ses peines, au fil d’un long processus de reconstruction artistique.

Les arborer «sans misérabilisme», tempère-t-il. Pas pour donner des détails de son moral à zéro ou de sa santé mentale vacillante, mais pour «faire ressentir» certaines choses qu’il avait vécues depuis la douleur de fond de baril jusqu’aux rugissements léonins de celui qui recommence à rayonner — et à chacune des étapes intermédiaires, quand résilience, espoir et rechutes se côtoient, en suspension.

«Ce que j’ai fait, c’est un kintsugi de l’homme», témoigne-t-il, sa sérénité retrouvée au terme de ce «chemin réparateur».

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Son crash est survenu «sans préavis», bien avant la pandémie, quand Yao, aussi exalté que brûlé par une intensive tournée, a appris que son premier enfant – sa fille, qui venait de naître – souffrait d’une très grave maladie orpheline.

«À sa naissance, elle ne respirait pas, elle était bleue», se souvient-il. Quand, 48h plus, mère et fille a enfin pu obtenir son congé de l’hôpital, «on s’est rendu compte que le problème était encore plus gros qu’on pensait», au point que le bébé doive être rapatrié d’urgence dans un grand hôpital.

«En tant que parent, tu n’as pas de réponses, tu es démuni. Ma fille pouvait faire 50 crises épileptiques par jour.»

«L’impression d’être sous l’eau»

«Ce que je vivais intérieurement était [aux antipodes] de ce que je vivais sur scène. En tournée, j'avais vraiment l’impression d’être sous l’eau. Pourtant, le seul moment où je sentais que je respirais, c’était sur scène, quand j’entendais les percussions...»

Ses responsabilités de père de famille se heurtaient en outre à celles de Yao-le-producteur, papa symbolique d’une famille élargie de musiciens qui allaient se retrouver sur la paille s’il décidait de mettre un terme à la tournée.

N’ayant pas le don d’ubiquité, il multipliait les aller-retour en avion pour épauler sa conjointe, et retournait sur scène lessivé, faute de sommeil réparateur.

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«J’étais à la fois artiste en tournée, papa entrepreneur, mari et papa d’une fillette sévèrement malade. Il fallait que je sois solide pour tout le monde. [...] Il fallait que je sois “un homme”», dit-il sur un ton autocritique.

«Quand on me demandait comment j’allais, je répondais “ça va! Je pleurerai à la fin de la tournée”, je n’ai pas le luxe de m’effondrer.»

«J’étais un peu “maso”», comme je le dis dans ma chanson Effet Placebo («Métro boulot dodo / C’est quoi ce truc de maso / Faire semblant que tout est beau»).

Il a continué de donner l’illusion aussi longtemps qu’il a pu.

«J’étais au fond du baril»

Puis il a fini par réaliser l’étendue de sa «dépression». «J’étais au fond du baril, car je pensais à tout plein de trucs, mais je ne pensais pas à moi.»

L’auditeur de Kintsugi ne saura rien des détails de sa vie privée, car jamais Yao ne s’abaisse à faire vibrer la fibre mélodramatique. Sa tragédie familiale, il la garde pour lui. Son disque se contente d’explorer son sentiment d’impuissance, sa peine, sa fatigue, ses angoisses ou sa culpabilité.

Pourtant, Kintsugi est paradoxalement plein de vie, de légèreté et de grooves. De lumière et d’humour, même. «Quand j’ai plongé dans ma peine, j’ai vraiment plongé. Mais des fois, je me moque de moi-même, sur l’album. [...] J’ai voulu mettre toute ma vulnérabilité et mon authenticité, mais aussi mon humour, dans ce processus. [...] Il y a de la fougue et de l’autodérision.»

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«Je suis parti de la prémisse qui dit que toute adversité digne de ce nom nous rend plus fort. Et je me suis rendu compte que c’était faux. Complètement faux. L’adversité commence par mous mettre en 1000 morceaux. Après, tu as le choix: tout recoller ou rester en morceaux.»

Pour aller mieux, il fallait agir, estime alors Yao. «L’écriture est mon exutoire. Alors, j’écrivais!»

«J’ai commencé à réfléchir [sur le processus de résilience] et mettre des mots sur les sentiments [...] sans trop savoir ce que ça allait donner», mais avec toujours la volonté de «percer l’illusion».

«Ce projet a commencé comme une quête de réponses», pour trouver du sens et de «la beauté dans le chaos».

«Reconquête» de soi

Dans cette «reconquête» de soi, il a notamment cherché à comprendre pourquoi c’est le son des percussions qui le ramenait à la surface, lorsqu’il se sentait couler: «Pourquoi est-ce toujours les percussions, les rythmes, les tambours qui défilent dans la tête» dès qu’on songe à la notion d’énergie? C’est quoi la force» de ces vibrations qui de tout temps ont accompagné les marches militaires, la sueur des rameurs dans les galères ou le labeur dans les champs de coton?

Ces questions l’ont amené sur le chemin de ses racines africaines et ont alimenté un «questionnement identitaire» plus large, dont les pistes de réflexion parsèment son disque.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Yao peint par le bédéiste avellinois Christian Quesnel, qui a signé plusieurs illustrations pour l'album. Certains dessins, retravaillés en animation, sont projetés sur scène en spectacle."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Christian Quesnel"},"position":7,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2F6f3ec38b-cd8c-48a1-b0b5-810746b9d3fa.png&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":8,"text":{"fr":"

Fièvre créatrice

«J’ai disséqué et disséqué mes émotions. Je partais d’un mot… pour arriver à des compositions de 1700 mots a chaque fois. » Sa fièvre créatrice est telle qu’après «53 textes et 47 univers musicaux», Yao décide de faire appel à la chanteuse Gaële pour l’aider à organiser et donner une direction à tout cela. Sans quoi, «je me perdais dans cette quête».

Le bédéiste Christian Quesnel a signé une vingtaine d’illustrations destinées à décorer le livret. Ses images, «on a fini par les animer, et ce sont elles que je projette sur scène». Car la mise en scène a été ultra-peaufinée (à trois têtes: Yao, Gaële et le comédien Didier Lucien, appelé en renfort).

Pour cette mise en scène, Yao a bénéficier d’une résidence d’un mois au Centre national des Arts – où a d’ailleurs eu lieu le lancement de son album.

Sur les planches, Yao se présente physiquement “prisonnier” d’un grande cube, dont il ne sort jamais. Cette «boîte représente un peu tout ce qui se passe à l’intérieur de moi». Des projections viennent s’ajouter, pour matérialiser en images les turbulences de sa tête et de son cœur.

«On a réorchestré des chansons pour mieux transposer certaines émotions» et travaillé théâtralement l’anxiété et l’humour, pour les rendre plus percutants au sein d’une scénographie minimaliste, mais poétique, explique-t-il. Au fil du processus de création de Kintsugi, J’ai appris à ralentir, [ce qui n’était pas une mince affaire] pour un go getter comme moi! J’ai appris à repenser les choses, comment ré-imaginer ma vie. Ç’a été beaucoup ça, l’exercice : une porte vers la guérison.» Dont le questionnement risque de résonner dans l’esprit de tout ceux qui ont connu une forme ou une autre d’accablement.

"},"type":"paragraph"},{"caption":{"fr":"Sur scène, le cœur de Yao se manifeste à l'écran, battant au rythme de ses émotions intérieures, ou à celui des percussions."},"contentType":"image","credits":{"fr":"Sébastien Lavallée"},"position":9,"type":"photo","url":"https://images.omerlocdn.com/resize?url=https%3A%2F%2Fgcm.omerlocdn.com%2Fproduction%2Fglobal%2Ffiles%2Fimage%2Fb26e3404-8108-4c13-90c8-6d544b65b56d.jpeg&width=1024&type=jpeg&stripmeta=true"},{"position":10,"text":{"fr":"

Aujourd’hui, les cicatrices du chanteur sont toujours visibles – et sa fille, après «un milliard d’examens», est loin d’être guérie – mais Yao a retrouvé une forme de sérénité. «Il faut savoir s’arrêter et sentir les roses!»

Les moments d’euphorie, les «envies de danser devant le miroir», sont eux aussi revenus.

Et la vie de famille (qui s’est agrandie d’un garçon, depuis) a trouvé un nouvel équilibre, une relative «stabilité», consciente des fragilités, mais perméable aux joies. «C’est tout bête, mais on ne peut pas – on ne doit pas – s’empêcher de vivre» ou de sourire. Ne serait-ce que pour préserver ses enfants et son amoureuse, en les épargnant du poids de ses vieilles douleurs.

«La vie est venue me mettre un coup de matraque en pleine bouche [non pas pour m’arrêter mais] pour me forcer à aller encore plus loin», lâche-t-il avec philosophie.

***

Renseignements et billets: yaomusique.com

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Yao a reçu en 2017, la Médaille commémorative du Sénat pour son implication dans la communauté, et, en 2018, le prix Artiste-éducateur de la Fondation des arts de l’Ontario.

Active depuis le milieu des années 2010, l'autrice-compositrice-interprète Mimi O'Bonsawin, une métisse (franco-ontarienne et abénaquise) originaire du Grand Sudbury, «puise dans ces deux cultures pour créer» une œuvre bilingue.

Makhéna Guérin est une jeune danseuse d'Ottawa qui partage des racines anishinabes et cries. Elle se spécialise dans la danse traditionnelle des cerceaux.

La Maison de la francophonie d’Ottawa est sise au 2720, chemin Richmond. Le concert aura lieu samedi 11 février 2023, à 19h.

***

Billetterie (20$): CMFO.ca

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