Un nouveau parti politique verra le jour au fédéral

Dominic Cardy et Jake Stewart

Il y a la Coalition Avenir Québec (CAQ) au Québec, et il y aura maintenant Avenir canadien au fédéral. Un groupe de réflexion centriste devenu parti politique veut devenir le nouveau véhicule du changement à Ottawa.


Durant la campagne électorale fédérale de 2021, le candidat conservateur de Pontiac Michel Gauthier se disait ouvertement «progressiste-conservateur» et tendait la main aux fonctionnaires fédéraux.

M. Gauthier a perdu son pari et l’année suivante, il appuyait la candidature de Jean Charest à la direction du Parti conservateur du Canada.

Le candidat conservateur dans Pontiac et porte-parole du parti en Outaouais, Michel Gauthier

Pierre Poilievre a écrasé la concurrence pour devenir chef d’un parti résolument à droite.

M. Gauthier a alors fait comme bon nombre de militants: il a réfléchi à son avenir.

«Mon temps de réflexion, c’était pour voir comment le nouveau chef Pierre Poilievre assumerait son leadership. De quelle façon il travaillerait et quel serait l’impact sur l’unité du parti», explique-t-il au bout du fil.

Michel Gauthier aurait pu suivre le député québécois Alain Rayes qui a déchiré sa carte de parti pour devenir indépendant.

Il aurait aussi pu se joindre au groupe de réflexion «Force au Centre».

Ce groupe centriste fondé par l’ancien candidat à la direction du Parti conservateur du Canada Rick Peterson a notamment attiré l’ancien ministre de l’Environnement de Stephen Harper, Peter Kent.

Le groupe voulait alors «ramener au-devant de la scène fédérale des politiques basées sur les faits». Ce sont plus de 2000 orphelins politiques qui se sont intéressés à ses activités. Mercredi, le groupe a annoncé qu’il devenait un parti politique.

Dans les prochaines semaines, ce parti, Avenir canadien, tentera de recruter plus de 250 membres pour s’enregistrer auprès d’Élections Canada.

«Il n’y a pas beaucoup d’endroits pour des électeurs qui trouvent que les partis politiques actuels sont trop à gauche ou trop à droite. Je peux très bien voir l’intérêt pour un parti beaucoup plus au centre», explique la politologue à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa, Geneviève Tellier.

Un chef «autoritaire»

«Je m’inquiète des efforts déployés par le premier ministre pour créer une pression politique afin d’accélérer une réforme de l’enseignement en français», a déclaré l'ex-ministre de l'éducation Dominic Cardy.

C’est l’ancien chef du Nouveau Parti démocratique et ancien ministre progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, Dominic Cardy, qui a été désigné chef par intérim du parti pour la prochaine année.

«Regarde le monde aujourd’hui et regarde les deux partis. Un est dirigé par une nostalgie des années 1980 quand le père du premier ministre était au pouvoir et l’autre parti est en train de s’approprier les messages et les politiques des républicains américains», soutient M. Cardy en entrevue au Droit.

Ce dernier veut des politiques fondées sur des «données probantes et des solutions audacieuses aux problèmes auxquels sont confrontés les Canadiens».

En choisissant Dominic Cardy comme chef par intérim, la direction du nouveau parti se dote d’un leader qui a passé des années à concevoir des politiques et mettre sur pied des programmes électoraux.

M. Cardy a dirigé le NPD du Nouveau-Brunswick de 2011 à 2016. Il s’inspirait alors des travaillistes britanniques de Tony Blair en prenant ses distances des syndicats et des militants traditionnels du parti. Il a d’ailleurs appuyé Thomas Mulcair lorsque celui-ci tentait de succéder à Jack Layton en 2011.

Incapable de se faire élire à l’Assemblée législative, M. Cardy a quitté la direction du parti et est passé chez les progressistes-conservateurs de Blaine Higgs.

Pendant un peu plus d’un an, il a été son chef de cabinet dans l’opposition puis s’est fait élire à l’Assemblée législative. Il a ensuite occupé les fonctions de ministre de l’Éducation et de la petite Enfance pendant quatre ans.

En 2019, le ministre Cardy a fait les manchettes lorsqu’il a tenté de rendre la vaccination obligatoire dans les écoles de la province. Il se disait alors prêt à utiliser la clause de dérogation de la Charte canadienne des droits et liberté pour y parvenir.

«On a trop de politiciens qui ne disent pas ce qu’ils pensent, et vont toujours ici et là pour gagner des votes. Ce n’est pas ma manière de faire les choses», disait-il à l’époque.

Le premier ministre progressiste-conservateur du Nouveau-Brunswick, Blaine Higgs, a vu ses concitoyens élire des libéraux dans six des dix circonscriptions de la province - et même une candidate du Parti vert, une première dans l’Atlantique au fédéral.

«Il a des dérives un peu autoritaires», lâche le politologue Roger Ouellette. Celui qui enseigne depuis plus de 35 ans à l’Université de Moncton a suivi de près le parcours politique de l’homme âgé de 53 ans. «Il n’a pas peur d’aller dans les échauffourées. C’est un bagarreur», témoigne-t-il.

En 2022, le ministre a claqué la porte du cabinet Higgs parce qu’il ne partageait plus le style de travail et les valeurs du premier ministre qui voulait alors abolir l’immersion française dans la seule province bilingue au pays.

Comme député indépendant, il s’est joint au groupe de réflexion lancé par l’homme d’affaires d’Edmonton Rick Peterson, un candidat à la succession de Stephen Harper qui proposait notamment d’abolir les impôts sur le revenu des entreprises en 2017.

Son engagement envers ce nouveau parti ne semble pas soulever les passions dans les maritimes, ou ailleurs.

«Je ne vois vraiment pas que ce parti a un élan. Je ne vois vraiment pas que M. Cardy, s’il se présente aux élections fédérales en 2025, a un grand succès électoral. Je ne vois pas ça du tout», soutient M. Ouellette.

Une CAQ au fédéral?

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, lors de la campagne électorale de 2018.

Avenir canadien n’a aucun lien officiel avec la Coalition avenir Québec.

Dominic Cardy ne s’en inspire «pas vraiment» non plus. N’empêche, le parti qui est au pouvoir à Québec «prouve que c’est possible d’avoir du changement», selon lui.

Aux yeux de Geneviève Tellier, la CAQ a su séduire des libéraux et péquistes qui voulaient du changement avec un chef fondateur connu en François Legault.

Le Bloc québécois a été fondé par un Lucien Bouchard fort populaire avec une cause clairement défini. Avenir canadien, dit-elle, n’a «pas de cause» et manque de «renommée».

«C’est bien beau de dire ‘’on veut être au centre’', mais sur quoi on va être porteur et créer un enthousiasme? Ça, ça manque beaucoup», analyse-t-elle.

L’art de la séduction

Après sa période de réflexion, Michel Gauthier a décidé de rester au Parti conservateur. Aujourd’hui, il est le président de l’Association conservatrice de Pontiac et songe à se représenter lors des prochaines élections.

Pour lui, pas question de se joindre à un parti qui pourrait très bien porter bon nombre de ses valeurs.

Le chef conservateur Pierre Poilievre est ovationné par son parti alors qu'il se lève pour répondre à une question lors de la période des questions à la Chambre des communes sur la Colline du Parlement à Ottawa, le lundi 18 septembre 2023. Les députés sont revenus aujourd'hui après les vacances d'été.

«Un parti qui veut s’installer au centre pour attirer les ‘’Red Tory’' comme moi, bien dans mon cas, il va perdre son temps!», lâche-t-il. Il estime que les conservateurs fiscaux comme lui ont trouvé en Pierre Poilievre un chef de choix qui a le vent dans les voiles.

Un chef qui a su «rallier toutes les troupes conservatrices» et occuper le centre droit de l’échiquier politique.

«Bonne chance à ceux qui veulent se lancer dans ce corridor-là, lance Michel Gauthier. Tout ce qu’ils vont avoir, ce sont des résultats déprimants.»