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The Crown: la fin très romancée de Diana

Diana (Elizabeth Debicki) adore ses fils que plus que tout au monde.

CHRONIQUE / En lançant le chapitre final de The Crown, Netflix nous savait conquis. Assez pour nous fournir seulement quatre épisodes et nous faire attendre un mois de plus pour les six derniers.


Les stratégies pour freiner l’exode massif des abonnés sont devenues le propre des grandes plateformes. Et nous tombons dans le piège !

Il y a néanmoins une logique à regrouper ces quatre épisodes, une minisérie en soi, concentrés sur les derniers mois de la princesse Diana (Elizabeth Debicki) et sur son ascendant immense sur le peuple, qui a fait de l’ombre à la famille royale bien après sa mort.

Dès les premières secondes, le ton est donné : on vit les derniers instants avant l’accident fatal sous le pont de l’Alma, qui allait faucher Diana, son amant, Dodi Al-Fayed, et le chauffeur, Henri Paul. Et ce bruit de klaxon lancinant qui se fond à la musique thème.

N’ayez crainte, on suggère de loin l’accident, sans ne rien montrer. Personne ne veut voir Lady Di morte.

Puis, retour dans le temps, alors que Diana se fait encore courtiser par Dodi (Khalid Abdalla), pourtant promis à une autre femme, qui s’impatiente de voir son fiancé partager le yacht de « la plus belle femme du monde ».

Le scénario de ce dernier chapitre prend des libertés dramatiques qui déplairont sûrement aux plus connaisseurs, qui ont tout lu sur le sujet. Plus on se rapproche de notre époque, plus cette histoire est fraîche à nos mémoires, et plus ces libertés peuvent irriter.

Comme j’ai suivi tout ça de loin, je me suis laissé emporter par cette histoire romancée et dévoré les quatre épisodes en une soirée.

Mohamed Al-Fayed (Salim Dau), père de Dodi, est décrit comme le pire des manipulateurs.

Ainsi, on attribue à Mohamed Al-Fayed (Salim Dau), père de Dodi, et à lui seul, l’entêtement du fils à conquérir la princesse. Le milliardaire de père impose une telle pression à son fils pour qu’il fasse la grande demande, il l’appelle sans arrêt, lui promet mer et monde dont une place majeure au sein de son empire, pour qu’il multiplie les tentatives de séduction auprès de la princesse.

Dans son jeu de coulisse, il demande même à la bonne du yacht si Diana et Dodi ont couché ensemble !

De son côté, Dodi est dépeint comme un fils soumis, qui veut impressionner son père à n’importe quel prix. Dans la réalité, Mohamed Al-Fayed est décédé en août dernier. Il aurait détesté ce chapitre de la série, qui le décrit comme le pire des manipulateurs.

Vous verrez beaucoup Diana pourchassée par les paparazzis, qui en viennent à lui pourrir l’existence, mais aussi par les fans, qui lui courent après sans se soucier de son bien-être.

« C’est un chaos sans fin d’être avec moi », confie Diana à Dodi.

Jamais on ne la sent réellement amoureuse de cet homme, à qui elle avoue être comblée par son rôle de mère, pas d’amante.

Amoureux de la princesse, Dodi Al-Fayed (Khalid Abdalla) veut impressionner son père à n’importe quel prix.

Plus que par le passé, le prince Charles (excellent Dominic West) apparaît comme un homme bon, conciliant, affable, qui souhaite le meilleur à Diana.

Il n’en est pas moins préoccupé par l’image qu’il projette, par le peu d’intérêt que porte le peuple à Camilla, en comparaison avec l’immense vague d’amour dont jouit Diana, des années après leur divorce. Il s’impatiente auprès de ses spin doctors pour renverser cette perception, sans succès.

Quand il apprend la mort de son ex-femme, il est complètement dévasté. Il pleure bruyamment en identifiant le corps à la morgue.

L’annonce aux enfants de la mort de leur mère est déchirante; William (Rufus Kampa) fugue plusieurs heures avant de rentrer au bercail. Avant de mourir, Diana avait prévu des cadeaux pour ses fils, qui les déballeront dans le chagrin le plus total.

On a beaucoup parlé de la réaction froide et insensible de la reine à la mort de Diana, mais on fait ici porter l’odieux de son comportement au prince Philip (Jonathan Pryce), infiniment plus rigide, qui l’encourageait à ne pas réagir publiquement. Après tout, Diana n’était plus de la famille, répète-t-il.

Même si elle fera durer l’attente, beaucoup trop aux yeux de l’opinion publique, Elizabeth (Imelda Staunton) n’écoutera pas son époux et finira par s’adresser au peuple avec une certaine compassion.

Parmi les libertés prises par le scénariste Peter Morgan, on met en scène une demande en mariage, la veille de la tragédie. Autre choix audacieux : une fois morts, Diana et Dodi apparaissent à Charles, Elizabeth et Mohamed, qui se sentent tous coupables face à eux, à différents degrés.

La série souligne également le fossé entre Elizabeth et son fils Charles, qui aimerait qu’elle assiste à l’anniversaire de Camilla; mais la reine se préoccupe davantage de ses corgis. Elle finira par approuver leur amour du bout des lèvres.

Même après sa mort, Diana apparaît à Elizabeth (Imelda Staunton), qui résiste à lui rendre hommage.

Une nouvelle et dernière fois, Elizabeth Debicki fait une Diana très crédible, qui continue de mener un train de vie princier, en ne touchant au bonheur que lorsqu’elle est entourée de ses fils, une relation qui ne peut qu’émouvoir à l’écran.

Les six derniers épisodes, attendus pour le 14 décembre, aborderont la Wills Mania autour du prince William, et sa rencontre avec Kate Middleton, de même que le ressentiment du peuple britannique à l’endroit de la famille royale. Une fin dramatiquement peut-être moins riche, qui n’abordera ni la désertion de Harry ni la mort d’Elizabeth.

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