Je suis allé quelquefois au théâtre dans la dernière année. Au théâtre Saint-Denis à Montréal, à la salle Albert-Rousseau de Québec, au théâtre Mogador à Paris…
Chaque fois, à l’entracte, la file d’attente à la toilette des femmes était mille fois supérieure à celle de la toilette des hommes. On constate le même phénomène dans les amphithéâtres sportifs.
Pendant que je peux me soulager en deux minutes, ma blonde doit attendre 15 minutes avant de trouver une toilette libre. Et je n’imagine même pas ce que c’est pour les plus âgés, et les personnes handicapées. Dans les trois théâtres dont je vous parlais, je n’ai pas repéré de toilettes pour handicapés.
Je sais, le phénomène n’est pas nouveau. L’inégalité hommes-femmes dans les cabinets existe depuis longtemps. Ça me sidère qu’on ne s’indigne pas davantage devant une telle iniquité. Y est-on à ce point habitué qu’on ne songe même plus à la remettre en question?
Au Théâtre Saint-Denis, pour la première fois de ma vie, j’ai vu des femmes rentrer dans la toilette des hommes, en quête d’un cabinet libre. De fait, ils étaient presque tous libres. Cette présence féminine dans l’antre masculin n’a pas causé d’esclandre ou de scandale. Mais j’imagine que ce ne sont pas toutes les femmes qui sont à l’aise de pénétrer ainsi dans la toilette des hommes.
Un sociologue européen, Julien Damon, a consacré une étude au «droit à se soulager» en 2009. Il a aussi rédigé un essai sur le même sujet plus tôt cette année. Son constat: l’espace public est pensé par et pour les hommes. Tant pis pour les dames qui, pour des «raisons anatomiques» passent plus de temps aux toilettes que ces messieurs.
D’ailleurs, ce n’est pas qu’aux toilettes où l’espace public est pensé pour les hommes. L’ex-conseillère municipale de Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette, s’est souvent fait cette réflexion lors de son passage en politique. Les questions d’urbanisme et d’aménagement du territoire l’ont toujours passionnée.
«J’ai souvent pensé que si les sentiers n’étaient pas éclairés dans mon quartier, c’est que ça n’avait pas été pensé par des femmes», cite-t-elle à titre d’exemple. Même chose pour les accès universels. Une femme qui pousse une poussette se rend vite compte des défis pour accéder à certains endroits. Pas que les hommes ne poussent pas des poussettes! Mais on sait que c’est plus souvent les femmes qui ont la charge de la famille et des enfants.»
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La solution?
Le sociologue Julien Damon confiait dans une entrevue à La Presse+ que les toilettes «dégenrées» ne règlent pas tous les problèmes. Oui, des toilettes mixtes peuvent réduire le temps d’attente moyen. Par contre, des femmes ne souhaitent pas partager cet espace avec des hommes qui peuvent être plus ou moins «sales ou vicelards», de dire le sociologue.
Est-ce que la solution serait de construire des toilettes plus grandes pour les femmes? Est-ce qu’on devrait revoir nos règles d’urbanisme, nos codes du bâtiment, et envisager une sorte de discrimination positive dans la conception des toilettes pour femmes?
Je l’ignore.
Mais je m’étonne qu’en cette époque où tout le monde se passionne pour la conception des toilettes, on n’aborde pas ces questions-là qui sautent pourtant aux yeux. À quand un accès équitable au petit coin? Et même à l’espace public en général?