Chronique|

Rapport Harrison: une bombe pour le postsecondaire franco-ontarien

Ce mercredi, la publication du rapport du groupe d’experts qu’Alan Harrison préside se montre très critique sur la viabilité de l’Université de l’Ontario français (photo) et celle de Hearst.

CHRONIQUE / L’ancien vice-recteur de l’Université Queen’s et de Carleton vient de se faire un nom en Ontario français. Ce mercredi, la publication du rapport du groupe d’experts qu’Alan Harrison préside se montre très critique sur la viabilité de l’Université de l’Ontario français et celle de Hearst.


Le document de 83 pages affirme entre autres qu’il existe un «doute fort» que les deux seules universités de langue française pleinement autonomes et fonctionnelles en Ontario «puissent continuer de fonctionner efficacement en tant qu’établissements indépendants et financièrement viables».

Plus acerbe: «La taille de ces deux établissements est trop modeste pour qu’ils puissent atteindre l’envergure nécessaire à leur pérennité.»

Le rapport intervient deux ans seulement après l’ouverture de l’UOF, l’aboutissement d’une revendication vieille de plusieurs décennies, ainsi que l’indépendance de l’Université de Hearst la même année, jusqu’alors rattachée à l’Université Laurentienne.

Le groupe de sept experts propose même trois options aux deux institutions. La première : les fédérer à l’Université d’Ottawa, présentée comme «le principal prestataire de programmes en français de niveau baccalauréat, maîtrise et doctorat». Le second souhait serait un partenariat avec le Collège Boréal de Sudbury et celui de La Cité à Ottawa, les deux seuls collèges de langue française en Ontario. Enfin, troisième possibilité : un consortium de tous les établissements postsecondaires francophones et bilingues de la province chapeautée par l’Université d’Ottawa.

En somme, ces options viennent à contre-courant du discours des militants, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) en tête, valorisant la gestion «par et pour» des universités de langue française, à commencer par l’Université de Sudbury, dont le gouvernement n’a pas encore accordé le financement de démarrage.

Par ailleurs, le fait que le rapport ait été mandaté en mars dernier par le gouvernement conservateur pour obtenir «des recommandations à la ministre des Collèges et Universités pour que le secteur de l’éducation postsecondaire reste financièrement solide et se consacre à offrir la meilleure expérience possible aux étudiantes et étudiants» pourrait faire craindre une volte-face de l’équipe du premier ministre, Doug Ford.

Preuve du malaise provoqué par le rapport: le seul membre francophone des sept experts, Maxim Jean-Louis, s’est dissocié des trois options mises sur la table pour dynamiser l’UOF et l’Université de Hearst.

En dépit de l’intérêt de compétitivité des universités, le document occulte bel et bien la dimension d’une institution «par et pour», protégée de l’assimilation, et fonctionnant à 100% en français. D’autant que lorsque des «efficacités financières» sont recherchées, les services aux minorités, jugés souvent peu rentables, sont les premiers à écoper.

La suppression de 70 programmes, dont 29 en français à l’Université Laurentienne, au printemps 2021, est l’exemple criant de cette «anglo-normativité».

Il serait cependant inexact d’évoquer un consensus majeur en Ontario français derrière l’UOF et l’Université de Hearst. Beaucoup de voix dissidentes, et indépendantes de toute étiquette politique, défendent la primauté des deux universités bilingues (Ottawa et la Laurentienne) plutôt que deux institutions franco-ontariennes avec peu de ressources et d’étudiants, pour assurer la relève francophone.

La baisse de moitié des inscriptions à l’Université de Hearst à la rentrée 2023 semble valider ce narratif.

Ironie du calendrier, le rapport Harrison a été publié cinq ans jour pour jour après le «jeudi noir», quand le gouvernement Ford annonçait «annuler les plans de création» de l’UOF. Un indice de plus qu’il faut toujours surveiller comme le lait sur le feu ce qui apparaît comme des «acquis».

•••

Sébastien Pierroz est journaliste et producteur pour la franchise d’actualité ONFR du Groupe Média TFO.